Même si ce n'est pas trop la saison,
vu les courants d'air froids qui glacent notre contrée, nous allons
nous pencher aujourd'hui sur le cas d'un thé vert japonais, digne
représentant du genre, un sencha Kumpu, récolte de la 88ème nuit
2011 à Shizuoka. En principe, le thé vert est un thé rafraichissant, qu'il convient de boire au printemps lorsqu'il est tout frais ou en été, lorsqu'il fait chaud. Ce choix contradictoire exprime peut-être un besoin de chaleur au travers d'un désir de fraîcheur et de verdure, qui sait... Après tout le froid, ça va bien un temps.
Pour commencer, un peu d'histoire. Au XIIème siècle, des moines partis
étudier en Chine ramenèrent la plante que l'on consommait à
l'époque broyée puis mélangée à l'eau. De cette époque subsiste
encore au Japon le matcha, la poudre de thé, résolument associé à la
cérémonie japonaise du thé, le Chanoyu. Le Japon s'est ensuite
fermé, et le temps suspendra son vol pendant près de 5 siècles.
Alors qu'en Chine on développe de nouvelles techniques où l'on
infuse le thé, il faudra au Japon attendre le XVIIème siècle pour
voir arriver sur ses côtes cette méthode de préparation. Après un siècle
d'imitation du savoir faire chinois, Nagatani Soen avec une poignée
de fermier de Uji créèrent le sencha, en améliorant les principes
d'étuvage du thé pour obtenir une infusion des parfums
quasi-instantanée. Ce sont ces principes qui sont, bien que
mécanisés, encore appliqués aujourd'hui pour fabriquer les sencha
japonais actuels.
Le sencha, après cueillette, est soumis
à un étuvage, c'est à dire à une destruction de l'enzyme oxydase
par chauffage à la vapeur. Puis le thé est roulé, malaxé et
séché. Cette récolte est issue de la plus grande province
productrice, Shizuoka, et a été effectuée la 88ème nuit
après le début du printemps (qui au Japon commence fin février).
Pour infuser ce thé, j'utilise une
théière à gyokuro (hohin) en porcelaine qui n'étouffera pas les
parfums, puis je filtre les petits résidus de feuilles, et je verse
dans la tasse. 5g, 1min d'infusion à 70°C.
Les parfums typiquement végétaux
d'herbe fraîche coupée, de feuilles broyées, sont présentes dès
les premières effluves s'échappant de la tasse. Puis ces parfums
viennent en bouche discrètement accompagnés d'une pointe acidulée
d'asperge ou d'huître, et puis... plus rien. M'aurait-on menti ?
Me serais-je fait avoir ? Au moment où l'interrogation laisse
place à la déception, un arrière-goût sucré aux parfums de pêche
et d'abricot vient balayer comme un ouragan toute suspicion possible,
laissant une finale en bouche d'une longueur conséquente, comme un
panier de fruits estivaux.
Ce sencha, c'est un peu comme si on
recevait un petit cadeau un peu décevant juste avant de recevoir le
gros cadeau qu'on espérait plus. Un genre de deuxième effet kiss
cool, en somme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire